Quinze ans après la chute du mur

Publié le par hugambrules

Quinze ans ont passé. La pérestroïka gorbatchévienne est un lointain souvenir. La brève euphorie démocratique qui l’accompagna aussi. Car plus sérieusement elle ouvrait les vannes, en haut lieu, à tous les appétits d’enrichissement. En effet, très vite, vinrent les années du dépeçage, de l’enrichissez-vous à tout va, du chacun pour soi, de la frénésie crapuleuse qui a accompagné la course aux grands pactoles ; l’ère du laisser-faire laisser-piller qui réduisit la démocratie bourgeoise, avant même qu’elle ait existé, à sa plus simple expression : aux " libres " règlements de comptes mafieux entre futurs oligarques et candidats à l’oligarchie. La quintessence de la libre concurrence, en somme. Pillage, meurtres, western à la russe, racket à grande échelle de toute la population : la nouvelle bourgeoisie russe faisait ses classes, dans les règles de l’art, à la vieille école de l’accumulation primitive par laquelle sont passées toutes les bourgeoisies du monde. Aujourd’hui, grosso modo, le partage est fait, le dépeçage de l’économie soviétique accompli. Cela n’a jamais pris qu’une quinzaine d’années. Même pas, en fait. Dès 1996 on comptait 1% de riches et 8% de membres de la classe moyenne à un bout, et 26% de pauvres à l’autre. Depuis, c’est pire. Suite à l’effondrement économique de 1998, puis au début de redressement enregistré ces trois ou quatre dernières années, l’écart s’est encore accru. Pas plus de riches, mais plus riches, et une partie des 65% restants qui a basculé à son tour dans la précarité sinon la totale pauvreté. Les statistiques de la Banque mondiale estiment que les écarts de revenus sont actuellement comparables en Russie à ceux du Mexique et du Brésil, les deux pays d’Amérique latine où les disparités sont les plus grandes. Le partage est fait, oui : les capitalistes détiennent l’essentiel du secteur du pétrole et des moyens de production de la grande industrie. Plus de 60% du PIB russe est fourni par le secteur privé. 85% de l’industrie privée est contrôlée par 8 groupes. "La Russie est le troisième pays du monde en milliardaires, derrière les USA et l’Allemagne. Le partage est fait, certes, mais les appétits, loin d’être assouvis, se sont simplement aiguisés. Et cette grande bourgeoisie russe de parvenus de faire un rêve. Il ne suffit pas d’appartenir à la Jet set, d’envahir les hôtels de luxe de la Côte d’Azur et de s’offrir des clubs de football européens, en un mot de jouer les pique-assiette de la répartition capitaliste mondiale, il faut pérenniser son pouvoir, sa puissance, élargir son assise. En un mot, posséder un puissant appareil d’État susceptible de défendre les intérêts généraux du capitalisme russe, sinon sur l’arène mondiale, du moins sur l’arène régionale. De ce point de vue, l’ère du chacun pour soi ne suffit plus. Il faut l’homme de la situation, l’homme à poigne susceptible de mettre les oligarques d’accord entre eux, dans leur intérêt à tous, autrement dit le " sauveur " sachant mettre le peuple (et les peuples) au pas quitte à brider les droits démocratiques formels dont toute oligarchie financière et industrielle se passe facilement pour peu que ses affaires prospèrent et qu’elle y gagne une force de frappe politique, économique et bien entendu militaire, vis-à-vis de l’extérieur. C’est de toute évidence cet homme qu’aspire à être Poutine. Comme tous les chefs d’État, celui de Russie est l’agent commercial de ses bourgeois nationaux. Défendre les intérêts nationaux de la bourgeoisie russe nécessite un État qui parle haut et fort, y compris à l’étranger - et même, à l’occasion, face aux USA. Si Poutine a inauguré sa première présidence par un soutien appuyé à l’impérialisme américain suite aux attentats du 11 septembre 2001, la cuvée " Poutine 2004 " a une saveur beaucoup plus nationaliste, et plus circonspecte à l’égard des USA. Il faut dire que nombre d’intérêts nationaux de la Russie s’opposent aux visées américaines sur la Géorgie et sur le pétrole de la mer Caspienne ; à l’inverse, les États-Unis voient d’un mauvais œil les relations de la Russie avec l’Iran ou la Chine et n’ont guère apprécié que la Russie refuse de cautionner la guerre américaine en Irak.

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