Les raisons de mon départ

Publié le par hugambrules

Cela fait exactement 25 ans que je suis membre du PCF, JC ou UEC. Et indiscutablement ce n'est pas rien dans la vie d'un militant. Cela en fait des centaines d'affiches collées, beaucoup de tracts distribués, des dizaines de stands montés puis démontés, et combien de brocantes organisées. Incontestablement décider de quitter le PCF, n'est pas une décision facile. Mais le grand écart ne m'était plus possible. L'histoire vient de loin, chronologiquement à travers les différents congrès, le parti a vu l'abandon de la dictature du prolétariat (1976), du Marxisme-Léninisme (1979), du centralisme démocratique (1994), de la lutte pour le socialisme (1996) et enfin de la faucille et le marteau (2018). Mais pour ceux qui ont lu le manifeste de Marx et Engels, sans ces concepts, le mot communisme est un mot creux.

 

Avec la crise des subprimes de 2008, j'avais la sensation que la spirale qui accumulait de nombreuses reculades, allait s'achever et que nous allions tel un ressort reprendre du volume. Je croyais que le parti allait en profiter pour redéployer le champ idéologique et remettre sur la table des concepts aussi important que la lutte de classe ou la dictature du prolétariat. Dix ans après, alors que nous sommes à la veille d'une seconde bourrasque financière dans le cœur même du système, on devrait pour le moins être conforté dans l'idée que le rafistolage du capitalisme est une idée vaine. J'imaginais que le parti voyant la situation changer n'allait pas continuer à échafauder des plans électoralistes avec la naïveté de croire que l'on peut atteindre le socialisme par les urnes.

 

Si le parti a été un point majeur de ralliement de toutes les contestations durant le siècle qui vient de s'écouler, il le doit aux conditions de sa formation. En effet après la boucherie de la première guerre mondiale, peu de prolétaire voyaient un avenir dans le capitalisme. Il était évident que pour ceux qui font tout dans la société, le prolétariat, la perspective d'une transformation révolutionnaire de la société était la seule solution. Il leur était évident que cela ne pouvait passer que par la fin de la domination de la bourgeoisie. En effet après l'étincelle victorieuse d'Octobre 17, les masses ont enfin vu une perspective concrète se réaliser. L'énorme engouement qu'elle a suscité a fait que, tous les partis ont du se prononcer. Le parti le fit favorablement, même si de nombreux réformistes restèrent aux commandes. Ensuite le parti n'a fait que suivre les vicissitudes de l’URSS : bureaucratisation, stalinisme jusqu'à la normalisation. A sa chute, l'URSS n'était ni communiste ni révolutionnaire depuis longtemps, seuls quelques acquis de la révolution subsistaient.

 

Encore aujourd'hui, le parti recèle des militants sincères et dévoués, mais le manque de perspectives à long terme ainsi que l'absence d'un projet marxiste mais aussi l'absence de prise de recul sur des moments clé de son histoire fait que même les plus fidèles du parti sont déboussolés. Le meilleur exemple est le journal l'humanité qui est l'expression d'une pauvreté idéologique impressionnante. Et l'absence de boussole est aussi problématique par temps clair (quand le prolétariat est conscient de sa force) que par temps de brouillard (quand le prolétariat recule). Et justement dans des cas où le rapport de force était à l'avantage du prolétariat, de très mauvais choix ont été pris. Les exemples le plus frappant est l'exemple de la Libération en 45 et de Mai 1968. Dans ces deux événements majeurs de l'histoire, la position du parti a été loin d’être irréprochable et a plus ou moins contribué à mettre en échec les luttes de la classe ouvrière. Pour exemple, En 1945-48, le PCF avançait des arguments comme : « la grève : l'arme des trusts » il était alors au gouvernement. C'est lui qui accusait les meneurs de la grève de Renault en 1947 d’être des hitlero-trotskystes. Passons sur le cas malgache ou sur Sétif où le parti était au gouvernement alors que l'armée colonialiste massacrait des civils. Par contre, il est impossible de ne pas rappeler que le Parti a voté les pleins pouvoirs à Guy Mollet alors que celui ci avait promis aux algériens que s'ils ne déposaient les armes, ce serait la guerre à outrance. Et elle le fut. En 1956 le PCF soutient l'intervention soviétique en Hongrie contre l'insurrection de Budapest alors que celle ci était l’œuvre des prolétaires contre la bureaucratie. En 1968, le parti a tout fait pour que la grève cesse après les piètres accords de Grenelle, puis a mis toute son aura pour le bon déroulement des élections de juin que les dirigeants présentait comme une chance d'exprimer le changement. Outre le recul électoral (la moitié des députés furent perdus), depuis quand un parti qui se dit communiste essaye de canaliser le mécontentement populaire et de fait se retrouve être le relais du pouvoir en place ? Plus récemment, sous Jospin, le PCF a participé à un gouvernement dont la mesure phare a été les 35 heures. Or cette avancée s’est traduite par l’annualisation du temps de travail et par une généralisation des négociations entreprise par entreprise, c’est à dire une évolution qui ne fut parachevée ensuite que par les lois travail de Hollande Macron et El Khomry. Que dire du soutien récent à Tsipras qui n’a fait que poursuivre les politiques du PASOK ou de ND en infligeant les plans d’austérité imposés par le FMI et L’UE ?


 

Alors, on pourrait me rétorquer aisément pourquoi maintenant et pas il y a cinq ou dix ans. En effet, ce sentiment me trotte depuis longtemps dans la tête. Cela fait longtemps que je me sens en marge au sein du parti, ostracisé serait un peu fort, mais l'idée y est un peu. Mon objectif était au sein du parti, était de sensibiliser les camarades au marxisme (ce qui fut un echec) pour permettre de redonner une boussole. Et ce raisonnement n'était tenable que le parti avait un étiage de 5 à 6 % ce qui n'est plus le cas et ce qui ne sera plus le cas. Le choix de vouloir coûte que coûte s'allier avec le PS notamment aux élections régionales de décembre 2015 alors que celui ci développait sa néfaste politique depuis trois ans avec le duo Macron-Hollande à la baguette. Et puis il y a tout un lot d'affiches qui m'a laissé bouche bée, avec un palme pour celle qui se posait la question : faire gagner la France ou les riches ? Comme si Faire gagner la France, ce n'était pas faire gagner les riches. Cela occultait le fait que notre adversaire n'est ni à Berlin (comme Melanchon le croit) ni à Washington (comme je l'ai cru longtemps), ni à Pekin. Non notre adversaire est bien de chez nous et c'est le patronat et la bourgeoisie française.

 

Les récentes tentatives de créer une énième Union de la Gauche ou une Gauche Plurielle ne sont que les symptômes d'un réformisme nié et d'une impuissance liée à s'obstiner à vouloir trouver une hypothétique troisième voie. Pour se préparer aux situations révolutionnaires qui viendront inéluctablement du fait de la déliquescence du capitalisme, il faut un parti qui ne vend pas son âme sous prétexte d'impatience ou qui cherche un moyen indolore pour arriver au socialisme. Comme disait le camarade Lénine la patience doit être une valeur cardinale d'un militant révolutionnaire. Et si notre petite personne ne sert qu'à transmettre quelques rudiments à un autre militant plus jeune qui en fera de même plus tard et qui facilitera la dissémination des idées marxistes sans que sa génération ne connaisse une période propice mais qui évite aux futurs militants de réinventer l'eau tiède, alors on pourra dire que la mission sera accomplie.

 

J'ai fait une petite vingtaine de fête de l'Huma et chaque année, j'en ai profité pour échanger avec des tendances du parti, des mouvements, des sectes ou même des demis sectes, toutes certaines de détenir la vérité révolutionnaire. J'ai essayé de pousser toutes les organisations dans leurs retranchements, et de les mettre face à leurs contradictions. Incontestablement, ceux qui sont les plus cohérents et les plus stables sur leurs appuis sont les militants de Lutte Ouvrière (LO), et ce quelque soit le militant rencontré. Ce qui m'a le plus frappé c'est une cohérence à toute épreuve notamment historique. De plus ce sont ceux qui ont l'idée du militantisme le plus proche de l'idée que j'en ai. Un militantisme à la hauteur de la tache qui nous attend. C’est-à-dire un travail de fond dont la lecture des classiques mais aussi un travail d'accroche envers les personnes non politisées et qui sont en demande d'une plus grande compréhension du monde mais qui s'insurgent devant tant d'injustices. Mais surtout l'objectif de LO est de créer une direction politique capable d'appréhender les situations révolutionnaires qui arrivent avec la perspective de mettre en œuvre les conditions pour que le prolétariat soit la pièce incontournable du changement que les communistes souhaitent. C’est donc après une longue réflexion que j’ai pris la décision d’adhérer pleinement à Lutte ouvrière. Je ne pars ni fâché, et encore moins rempli de rancœur ou de colère. Mes anciens camarades trouveront toujours en moi, la main tendue de la fraternité.

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